Déconfinement des dispositifs transitoires spécifiques à l‘urbanisme, l’aménagement et la construction en période d’état d’urgence sanitaire le 23 et le 24 mai 2020 à minuit
__________________________________________________________________________________
Le dispositif transitoire applicable aux autorisations d’urbanisme en quatre étapes :
Le mercredi 8 avril 2020, lors de son audition par la mission de l’Assemblée Nationale sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19, la Garde des Sceaux, plaisantant sur le caractère illisible de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020), annonçait une ordonnance rectificative au prochain Conseil des ministres afin, de répondre aux demandes des acteurs du secteur de l‘immobilier et du BTP.
Le 15 avril 2020, l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de Covid-19 est venue apporter divers éclaircissements sur la rédaction de l’ordonnance n°2020-306 ayant comme principal effet de réduire les délais d’un mois par rapport à la précédente ordonnance.
Le 22 avril 2020, l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 a élargi dans son article 23 la suppression du délai supplémentaire d’un mois d’instruction aux demandes d’autorisation ERP – IGH
ENFIN le 8 mai 2020, l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction précise les oublis des précédentes ordonnances : les délais de retraits, les demandes de pièces complémentaires, ou encore les AEC et prévoit la reprise des délais d’instruction à compter du 24 mai 2020.
L’esprit de cette ordonnance a été poursuivi avec l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire qui fige la période juridiquement protégée entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus et précise le nouveau régime des délais suivant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
A retenir
Par l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020, le Gouvernement vient achever un édifice normatif qui a vocation à préparer à un retour au droit commun:
- pour les demandes d’autorisation qui seront déposées à compter du 24 mai 2020 en mettant un terme aux régimes de suspension ou de prorogation des délais entre le 12 mars 2020 et le 24 mai minuit,
- pour les recours reprise le 23 mai 2020 à minuit des délais qui ont été suspendus.
Le choix du gouvernement a donc été de décorréler ces délais avec la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire prorogée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
Impact sur le délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme
L’ordonnance du 7 mai 2020 clarifie la situation relative aux délais ouverts aux services instructeurs pour s’assurer du caractère complet ou non d’une demande ou pour solliciter des pièces complémentaires. Elle étend ainsi le régime de suspension des délais d’instruction d’une demande d’urbanisme aux délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction.
Impact sur le délai d’instruction d’une demande d’autorisation aux opérations ou travaux relevant du livre 1er du CCH
L’ordonnance du 7 mai 2020 étend le régime des délais d’instruction des dossiers de demande d’autorisation de travaux ERP, d’immeuble de grande et de moyenne hauteur aux délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet de ces dossiers ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de leur instruction.
Impact sur l’affichage de l’autorisation
L’obligation d’affichage de l’autorisation d’urbanisme sur le terrain dès la notification de l’arrêté accordant ladite autorisation, ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à déclaration préalable est acquis (art. 424-15 CU), pour une période continue de deux mois est soumis au mécanisme de report de terme.
Il est en effet question ici d’une mesure administrative permettant d’assurer le droit au recours des tiers contre une autorisation d’urbanisme.
Le confinement empêchant les tiers de pouvoir être informés des autorisations délivrées sur les parcelles avoisinantes, cette information doit pouvoir être assurée pour une période de deux mois.
Les ordonnances ne précisent pas la computation des délais d’affichage.
Toutefois, l’ordonnance du 7 mai 2020 précise que les délais de recours contre les décisions d’urbanisme devant faire l’objet d’un affichage sur le terrain d’assiette du projet commencent à courir, ou reprennent à courir, à compter du 23 mai 2020 minuit.
Il peut ainsi en être déduit le raisonnement suivant selon que les délais d’affichage :
n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020
Si l’autorisation devait continuer à être affichée après le 12 mars 2020, l’affichage devrait à cette date être suspendu, et ne devrait recommencer à courir qu’à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
devant courir depuis le 12 mars 2020
Si l’autorisation devait être affichée pendant l’état d’urgence sanitaire, son délai ne commencerait à courir qu’à compter du 23 mai minuit.
Impact sur la participation du public
Pour rappel l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 disposait que :
(i) en cas d’enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée avant le 24 juin 2020 et ;
(ii) lorsque le retard résultant de son interruption ou de l'impossibilité de l'accomplir en raison de l'état d'urgence sanitaire susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l'autorité compétente pour organiser l'enquête publique peut en adapter les modalités :
1° En prévoyant que l'enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l'enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l'interruption due à l'état d'urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;
2° En organisant une enquête publique d'emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
(iii) lorsque la durée de l'enquête excède le 24 juin 2020, l'autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l'enquête restant à courir, aux modalités d'organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d'enquêtes dont elle relève.
Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision.
Ajustement des délais par l’ordonnance du 13 mai 2020
L’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 vient préciser que les délais prévus pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu’au 30 mai 2020.
Elle précise également que lorsque la durée de l’enquête court au-delà du 30 mai 2020, l’autorité compétente a la possibilité, à compter du 30 mai, de revenir aux modalités d’organisation de droit commun.
Cas dérogatoire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
L’ordonnance du 13 mai, revient sur les dispositions particulières de l’ordonnance du 15 avril dernier et prévoit désormais qu’à compter du 24 mai 2020, reprennent leur cours les délais relatifs aux avis, actes et procédures qui permettent la réalisation d’opération d’aménagement, d’ouvrages et de projets immobiliers nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Impact sur le droit de préemption
L’ordonnance du 7 mai 2020 confirme la suspension du délai relatif à la délivrance d’un avis ou d’une décision relative à la mise en œuvre du droit de préemption au 24 mai 2020.
Impact sur le recours administratif préalable, d’un déféré ou d’un recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir
L’ordonnance du 7 mai 2020 cesse de suspendre le délai de ces recours au-delà du 23 mai 2020 minuit.
Cas des recours dont le délai n’a pas expiré avant le 12 mars 2020
L’article 8 de l’ordonnance no 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 prévoit que les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus.
Ils recommencent à courir à compter du 23 mai minuit pour la durée restant à courir le 12 mars, sans que cette période puisse être inférieure à 7 jours.
Exemple d’application :
Permis de construire affiché le 6 février 2020 : le délai a couru 1 mois et 6 jours, il doit donc recommencer à courir 1 mois moins 6 jours au 23 mai 2020, soit le 18 juin 2020.
Cas des recours déposés depuis le 12 mars 2020
Si le recours est introduit entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020, son délai ne commence à courir qu’à l’issue de cette période.
Exemple d’application :
Permis de construire affiché le 20 mars 2020 : le délai ne commencera à courir que le 23 mai 2020 à minuit et expirera le 24 juillet 2020.
Impact sur le recours administratif préalable, d’un déféré préfectoral ou d’un recours contentieux à l’encontre des autres décisions d’urbanisme, d’aménagement et environnementale
L’ordonnance n’envisage que trois acceptions des décisions d’urbanisme et d’aménagement à savoir :
- La décision de non-opposition à déclaration préalable,
- Le permis de construire,
- Le permis de démolir,
- Le permis d’aménager.
L’ensemble des autres autorisations qui ne sont pas visées restent donc soumises à la computation précisée par les ordonnances du 25 mars 2020 lors de la période juridiquement protégée.
L’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif dispose que l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 s’applique aux procédures devant les juridictions de l’ordre administratif.
Ainsi le régime est le même pour le recours administratif préalable et le recours contentieux.
Les délais de recours expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 (période juridiquement protégée) contre les décisions qui ne sont pas précisées par l’ordonnance du 15 avril commenceront à courir à compter de la fin de cette période pour leur durée initiale, dans la limite de deux mois.
Le délai de recours contentieux ou administratif est bien prorogé, les requérants auront donc jusqu’au 24 août 2020 pour intenter leur action.
Exemples d’application :
Le titulaire d’un certificat d’urbanisme négatif qui lui a été notifié le 6 mars, verra son délai de recours prorogé pendant la période juridiquement protégée. Il pourra donc intenter une action contre cette décision jusqu’au 24 août 2020.
Sur le recours administratif préalable, d’un déféré préfectoral ou d’un recours contentieux à l’encontre des agréments ainsi qu’aux recours administratifs préalables dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial
L’ordonnance du 7 mai 2020 étend le régime applicable aux délais de recours dirigés à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir aux agréments prévus à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme ainsi qu’aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial dans les conditions prévues au I de l’article L. 752-17 du code de commerce.
Cas des recours dont le délai n’a pas expiré avant le 12 mars 2020
Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre des agréments ainsi qu’aux recours administratifs préalables dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus.
Ils recommencent à courir à compter du 23 mai pour la durée restant à courir le 12 mars, sans que cette période puisse être inférieure à 7 jours.
Exemple d’application :
Avis d’une commission départementale rendu le 22 février 2020 : le délai a couru 10 jours, il doit donc recommencer à courir 1 mois 10 jours au 23 mai 2020, soit le 14 juin 2020.
Cas des recours déposés depuis le 12 mars 2020
Si le recours est introduit pendant l’état d’urgence sanitaire, son délai ne commence à courir qu’à l’issue de cette période.
Exemple d’application :
Avis d’une commission départementale rendu le 20 mars 2020 : le délai ne commencera à courir que le 23 mai 2020 à minuit et expirera le 24 juin 2020.
Impact sur la notification des recours
Le régime de la notification se rattache à celui applicable à la décision contre laquelle le recours est dirigé.
Pour rappel, la notification des recours gracieux ou contentieux doit intervenir dans les 14 jours de l’envoi dudit recours (art. R. 600-1 CU) dirigé contre un certificat d’urbanisme ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme.
Cas d’une notification d’un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, un permis de construire, un permis de démolir ou d’un permis d’aménager
Dans l’hypothèse où le recours serait dirigé à l’encontre d’une décision de non-opposition à déclaration préalable, d’un permis de construire, d’un permis de démolir ou d’un permis d’aménager, la notification devra se faire dans les quinze jours suivant ledit recours.
Exemple d’application :
Permis de construire affiché le 6 février 2020 : le délai a couru 1 mois et 6 jours, il doit donc recommencer à courir 1 mois moins 6 jours à l’issue de l’état d’urgence, soit le 19 juin 2020. A supposer que le recours ait été introduit le dernier jour, il devra être notifié le 3 juillet 2020.
Cas d’une notification d’un recours dirigé contre une autre décision
Dans l’hypothèse où le recours est dirigé à l’encontre par exemple d’un certificat d’urbanisme, d’un document d’urbanisme ou encore d’une décision juridictionnelle, la notification sera prorogée au dernier jour de la période juridiquement protégée soit au 23 juin 2020 minuit. Le requérant aura alors jusqu’au 7 juillet 2020 pour notifier son recours au pétitionnaire ainsi qu’à l’auteur de la décision.
Exemple d’application :
Un recours contentieux déposé le 6 mars 2020 doit être notifié au pétitionnaire et à l’auteur de l’acte avant le 20 mars. En application de ces dispositions, l’obligation de notification devra être remplie avant le 9 juillet 2020.
Impact sur le contrôle des travaux
L’article 12 ter de l’ordonnance du 15 avril 2020 modifiée précise que les délais d’instruction des procédures de récolement qui n’ont pas expirés avant le 12 mars 2020 sont suspendus à cette date. Ils reprendront leurs cours à compter du 24 mai 2020.
Les délais d’instruction des procédures de récolement qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020 recommencent à courir à compter de la fin de cette période.
Il en résulte que le délai de trois mois pour pouvoir contester la conformité́ des travaux qui court à compter de la date de réception en mairie de la déclaration d’achèvement (art. R. 462-6 CU) est suspendu.
La mise en conformité́ des travaux est elle aussi couverte la procédure de récolement.
Ainsi l’injonction de mise en conformité́ qui prévoie un délai entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 sera suspendue durant cette période et recommencera à courir à̀ compter du 24 mai à minuit.
Cas où le délai n’est pas expiré au 12 mars 2020
Lorsque le délai n’a pas expiré avant le 12 mars 2020, il est suspendu à cette date jusqu’au 24 mai 2020 minuit, sauf lorsqu’il résulte d’une décision de justice.
Exemple d’application
Si la déclaration d’achèvement a été déposée le 20 avril 2020 : l’autorité́ compétente aura jusqu’au 25 août pour contester la conformité́ des travaux.
Cas où le délai a commencé à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020
Lorsque le délai pour constater la conformité des travaux commence à courir à compter du 12 mars, le point de départ du délai est alors reporté au 23 mai 2020.
Exemple d’application :
Une déclaration d’achèvement de travaux a été déposée en Mairie le 10 mars 2020, le délai de récolement est de trois mois : l’autorité́ compétente aura jusqu’au 24 août 2020 pour contester la conformité des travaux.
Impact sur le droit de retrait de l’administration
L’ordonnance du 7 mai 2020 précise enfin le cas du délai de retrait d’une non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme tacite ou explicite, prévu par l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme de l’administration en lui étendant le régime des délais d’instruction.
Cas des autorisations dont la décision de retrait avait commencé à courir et pouvait intervenir entre le 12 mars et le 24 mai 2020
En application de l’article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306 modifiée, le délai de retrait d’une autorisation d’urbanisme qui n’a pas expiré avant le 12 mars, dont (i) le dossier a été déposé avant cette date et (ii) devrait donner lieu à une décision avant le 24 mai est suspendu du 12 mars au 24 mai.
Ainsi, le délai de retrait restant à courir au 12 mars 2020 recommencera à courir à compter du 24 mai.
Exemple d’application :
Permis de construire délivré le 12 février 2020, le délai théorique de retrait court jusqu’au 12 mai. En application de l’ordonnance, le délai est suspendu à compter du 12 mars et ne recommencera à courir que le 24 mai 2020 minuit. L’autorité compétente aura ainsi jusqu’au 25 juillet pour retirer la décision.
Cas où le délai commence à courir entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020
Le point de départ du délai de retrait est suspendu. Il ne commencera à courir qu’à compter du 23 mai 2020.
Exemple d’application :
Décision de non-opposition à déclaration préalable obtenue le 20 mars : commencement du délai d’instruction est reporté au 23 mai minuit, l’administration aura donc jusqu’au 24 août pour instruire le dossier.
URBANISME & ENVIRONNEMENT – 20 mai 2020
Cécile CESSAC, Avocat Associée
Isabelle BAUDINAUD, Avocat
Comments